Brèves

Brèves  – Tome 2

Après les brèves du Maroc (2011-2013) voici les petites chroniques antillaises écrites au printemps 2015.

Acras, boudins et tralala…

Les Antilles, leurs plages de sable blanc, les lagons bleu turquoise, le chaud soleil, les belles créoles généreuses, les acras et surtout le ti punch… Ah Le rhum : c’est évidemment la boisson la plus emblématique de ces iles.

Les Antilles, un lieu magique dont rêvent 90% des marins : le mien n’a pas fait exception !

Et c’est ainsi qu’à l’automne 2014 il a franchi le pas, ayant accumulé comme une fourmi jours fériés, congés payés, RTT et autre CPE… trois mois de vacances en tout pour terminer en beauté une carrière passée sur les chantiers de construction.

Direction la Martinique avec quelques amis fidèles.

Depuis pour jouir encore plus longtemps et souvent du bateau, le Capitaine Marcus a carrément pris la retraite début janvier 2015

Une première étape avait été franchie il y a 4 ans avec l’achat de « Jasmin », un voilier confortable et pépère acquis entre autres en vue de la transat et d’un programme de balades en familles, entre amis ou en couple.

Quelques brèves écrites au Maroc vont en diront plus sur les années précédentes…

En attendant nous sommes là, et aujourd’hui tout spécialement ballottés par le vent qui joue avec le bateau comme d’un bouchon.

Le bonheur est sur la mer dit-on…


Téléphone arabe

J’étais tranquillement allongée au soleil en train de lire en attendant le réveil du Capitaine lorsque passe un dinghie dont je salue au passage le pilote comme cela est d’usage entre marins… Le voilà alors qui s’approche du bateau et s’agrippe au liston. Il a à bord plusieurs baguettes de pain et comme il nous en faut pour le petit déjeuner, ma première idée est qu’il vient m’en proposer. (On a déjà vu cela dans la baie de Ste Anne en Martinique où une jeune femme passait le matin).

Mais il me dit tout de go « Vous étiez à Cherbourg l’été dernier ».  Surprise, j’appelle Marc qui vient d’émerger du lit.  Il reconnait en effet un ancien voisin de ponton qui préparait son cata en vue de traverser en famille vers les iles comme nous.

Il est mouillé à 100m derrière et nous a reconnus grâce au nom du bateau « Jasmin » écrit en arabe sur la porte arrière (cela depuis le Maroc). Ce n’est évidemment pas si courant !

Il nous a dit avoir traversé l’été dernier avec femme et enfants (4 moussaillons quand même !) ; son retour en France est prévu avant l’été.

Le monde est petit au fond.

Au final comme il ne vendait pas le pain qu’il rapportait pour lui, il nous a fallu descendre à terre en chercher et ce fut avec grand bonheur que nous avons avalé une baguette tiède toute craquante.

Baie de Marigot (St Martin)   24/03/2015


Ticket gagnant

Descendus à terre nous marchions sac au dos en bavardant lorsqu’un couple en voiture s’arrête à notre hauteur et nous apostrophe. Croyant avoir affaire à des gens cherchant une rue, j’allais les détromper lorsqu’ils nous demandent si nous sommes des touristes.

« Oui en effet»

« Vous n’habitez pas ici c’est sûr ? ». « Non, non, nous venons de France »

Et la fille enchaine :  » Voulez-vous participer à un jeu ? L’hôtel Westin ***** situé à Philipsburg (capitale de la  partie Hollandaise de l’ile) propose par un simple grattage de carte de faire gagner à des couples plusieurs petits cadeaux et surtout 4 gros lots au choix. Le but final est de toucher une clientèle nouvelle, bla bla bla… »

Elle ajoute que si nous gagnons un gros lot, elle et son collègue toucheront 400$.

Après avoir donné toutes ces explications (reçues sans grande conviction par nous) elle nous tend 2 cartes postales en précisant qu’on doit avoir 3 dessins identiques sur les 8. Je gratte ainsi que Marc, regarde rapidement (trop sans doute !) et lui dit «Je ne crois pas avoir gagné », imaginant devoir trouver les 3 alignés mais elle contrôle la carte et dit éberluée à son ami : « Elle a le gros lot !». Et en effet je m’aperçois qu’il y a bien trois « 7 » en désordre au milieu d’autres signes.

Surprise totale car ils ont bien entendu très peu de cartes gagnantes.

Il reste encore 3 des 4 gros lots dont un chèque d’avoir de 1000$ à dépenser à Philipsburg dans les boutiques de luxe partenaires…mais – car il y a un mais- sous réserve de passer 1h30 dans les locaux de l’hôtel pour la visite, là, tout de suite…etc  etc. Arriver en tong et bermuda dans un hôtel de luxe ? On ne l’a jamais fait – on ne fréquente pas vraiment ce genre d’établissement en général – mais cela nous semblait plutôt moyen…

Nous essayons de négocier le moment (car nous avons en tête de nous occuper d’abord des réparations de Jasmin) mais ça ne marche pas. Nous proposons alors d’offrir la carte gagnante à un ami de l’ile mais c’est impossible.

Alors finalement nous abandonnons le gros lot aux deux jeunes gens, médusés qu’on puisse refuser une telle aubaine, espérant pour eux qu’ils trouvent un autre « pigeon » et gagnent leur dû.

La fille nous a abordés quelques jours plus tard en voiture, nous reconnaissant sur le trottoir et nous a dit qu’ils n’avaient trouvé personne et que le gars avait quitté le job.

Dommage… pour eux.

Baie de Marigot (St Martin) 24/03/2015


 Hiérarchie

Nous sommes au bouchon face à la plage de la marina de Rivière-Sens à l’ouest de la Guadeloupe.

Plusieurs baigneurs s’amusent en criant et riant : l’eau est bonne on dirait.

Trois jeunes nayades bien en chair s’approchent du bateau et l’une crie à Marc :

« Alors moussaillon ! »

Le sang du Capitaine n’a fait qu’un tour en se voyant ainsi rabaisser par les indélicates :

« Un peu de respect SVP, je suis le Capitaine du bord !»

Et le mousse de rire sous cape tandis que les gamines repartaient en pouffant.

 13/03/2015


Devinette

Mousstop et Mousskish sont dans un bateau. Mousskish tombe à l’eau : qui reste-t-il à bord ?

Réponse : le Capitaine !

PS : Mousstop c’est quand le mousse est bon et seconde bien le Capitaine ;

         Mousskish quand il cafouille  


 10 passionnantes découvertes aux Antilles, sans ordre précis

 

  • La meilleure traversée : Deshaies (Nord Guadeloupe) – Antigua  par 10 noeuds de vent, une mer belle non hachée et en prime, une belle prise au bout de la ligne
  • Le meilleur de la pêche : la magnifique dorade coryphène pêchée en quittant  le nord de la Guadeloupe : (longueur mesurée de 75 cm)  dégustée crue à la tahitienne et en rillettes sur des toasts. On nous a dit depuis qu’à cet endroit se trouve un tombant du plateau sous-marin et qu’à tous les coups on y fait des prises
  • L’eau la plus chaude : 29° mesurés à Ste Anne en Martinique le 16 décembre 2014
  • Le meilleur repas : moi, un ragoût de cabri au rhum vieux au marché de St Pierre – Marc, une langouste grillée (j’étais malheureusement absente…) dans les Tobago. Depuis lors je me suis rattrapée !
  • La plus belle plage : Low Bay (Barbuda) plage de sable blanc de 10km de long, mer bleu lagon et calme sidéral : nous étions 3 bateaux !
  • Le plus beau site : pour moi, le magnifique jardin Hunte’s gardens, à La Barbade visité à Noel – Pour Marc, la Grivelière (Guadeloupe) un « jardin créole » en plein montagne où poussent des caféiers et des cacaoyers, entretenu avec passion par une association qui remet en état les bâtiments et assure les visites. Route d’accès très impressionnante à flanc de montagne et qui grimpe au milieu des arbres
  • Le meilleur rhum : Marc reste fidèle à HSE – Moi j’ai bien aimé le vieux JM au goût fumé. Service impeccable des sommeliers et boutiques très pro
  • La plus belle distillerie : JM au nord de la Martinique encaissé dans sa vallée et aussi l’habitation Clément, dont le site est soigné avec la magnifique maison coloniale restée dans son jus et le parc très bien tenu qui sert d’écrin à des œuvres d’art contemporain
  • Le site le plus poignant : la ville de St Pierre au nord ouest de la Martinique, dévastée en 1902 par l’éruption de la Montagne Pelée qui la domine. 30000 morts. Aujourd’hui encore on ne peut mouiller l’ancre au large de la ville : c’est le sanctuaire sacré des dizaines de bateaux coulés. Sable noir volcanique sur toutes les plages comme un voile de deuil…
  • La balade la plus étonnante : à Barbuda, la réserve des frégates, ces vastes oiseaux de mer au corps d’hirondelles géantes qui nichent par milliers dans la mangrove de la lagune. Les mâles font de très longs parcours en Atlantique pour nourrir leur nichée et à la saison des amours font les beaux en gonflant leur jabot rouge pour impressionner les femelles

Sans parler des glaces coco faites maison dans d’étranges sorbetières en bois, au tambour en inox cerné de glaçons et tourné à la main le plus souvent pour faire prendre le mélange. Un pur délice !

Et partout dans l’ensemble la gentillesse des gens et puis le soleil souvent… entre deux averses tropicales !


Bibliothèque d’escale

Une chose très intéressante et inhabituelle hors des ports est la possibilité de trouver des livres aux escales soit dans les capitaineries soit dans les bistros ou d’autres commerces proches des quais tels les distributeurs de gaz oil ou autres.

Tous les modes de lecture sont possibles : selon les lieux on emprunte, on troque ou on achète à bas coût  les ouvrages laissés à disposition par d’autres marin. J’ai vu aussi une bonne initiative : dans une capitainerie était placée près des livres la « barque-tronc » de la SNSM (Société Nationale de Sauvetage en Mer) pour laquelle le modeste prix des livres était collecté.

Et bien sûr on peut aussi se délester de livres déjà lus sans pour autant en reprendre.

On trouve de tout dans les rayons : des polars, des classiques, des revues (de voile souvent, ou de plongée !), des livres pour enfants (car parfois on voyage en famille), des guides de voyage, des romans à l’eau de rose, des ouvrages variés «…pour les nuls » ou des livres techniques de pêche, de réglage de voiles ou tout autre sujet.

Il  y a trois ans au Maroc j’ai aussi offert à une famille canadienne un roman que j’avais beaucoup aimé étant plus jeune et relu à bord après 35ans : « Jacquou le croquant » est sans doute reparti vers les eaux froides du St Laurent…

J’aime l’idée que les livres aussi voyagent avec nous, passant d’un bateau à l’autre, d’un pays à l’autre en parfaits clandestins.

Et puis cela permet de continuer à lire sans bourse délier ou presque et sans pour autant s’encombrer forcément des livres à bord, surtout s’ils ne sont pas assez passionnants.


« Sargasstique »

ou comment s’en débarrasser ?

 

Vous connaissez de nom la mer des Sargasses où les anguilles vont se reproduire avant de revenir dans nos rivières telles l’Adour, parcourant ainsi plusieurs milliers de kilomètres.

Mais je pose deux questions :

  1. Où se situe-t-elle ?
  2. Qu’est ce que les sargasses ?

A la première question je réponds : au large à l’est de la Floridesargasse

Pour la deuxième voici une photo de sargasse qui en dira plus long qu’un grand discours : c’est une algue ocre jaune à petites feuilles dentelées, avec des « piquants » et de minuscules flotteurs en forme de billes, qui envahie littéralement la mer des Caraïbes et même au-delà puisque nos marins de la transat en ont rencontré jusqu’à 2000 miles à l’est des Antilles. Elle serait venue du Mexique…

Flottant à la surface de la mer les sargasses  se déplacent souvent en plaques qui peuvent faire plusieurs mètres carrés mais parfois se disloquent et se dispersent par paquets.

Les lignes de traîne sont les premières atteintes,  qui se chargent de bouquets laissant penser au pêcheur qu’il a fait une touche ! Mais les plages sont aussi victimes de leur accumulation de même que les mangroves.

Qu’en faire ?  Telle est la question.

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Brèves – Tome 1 – Maroc

Vous lirez  ci-dessous les petites chroniques de notre vie au Maroc à bord de JASMIN entre septembre 2011 et août 2012.

Une année de panne.

Durant cette année, pour cause de chantier à terminer, nous allons vivre au Maroc à bord de notre Gib Sea 43, un voilier de 12,80m apponté dans la toute récente marina de Rabat-Salé . J’ai eu envie de raconter les petits riens, les histoires minuscules qui ont jalonné notre quotidien de « marins à l’ancre* » au cours des mois, pour faire partager aux non marins les joies et vicissitudes de la vie à bord d’un bateau, fut-ce au port, arrimés à une panne**, au ponton.

Les marins eux y retrouveront les mille récits ou tracas malgré lesquels ils se damneraient pour quitter le port, pour repartir en bateau, car ils sont mordus ces gens-là. « Des fous furieux » dirait notre ami Gonzague !   L’appel du large est toujours plus fort que le froid et les embruns, plus impérieux que les grains, plus salé que l’océan !

                                                                                                                                                                                                 Rabat Nov.2011

* « Marin à l’ancre » : roman de Bernard Giraudeau 2001 – Prix Encre Marine 2003 et Prix littéraire des mouettes 2001.

** Panne : petit ponton flottant perpendiculaire au grand, le long duquel est amarré un bateau.