Ou comment un liquide beige sale devient la boisson des dieux…
Nous avons eu la chance de voir le processus de fabrication dans les îles de Guadeloupe à partir de février, ce qui permet de compléter l’information théorique reçue précédemment dans les distilleries de Martinique.
Au début était la canne, une graminée géante (autour de 3m) gorgée de sucre …et de fibres.
Entre février et juillet environ elle est récoltée, le plus souvent mécaniquement, mais encore parfois à la machette comme à Marie-Galante. Les machines la sectionne directement en tronçons tandis qu’elle est liée entière en bottes si elle est coupée à la main. Le feuillage qui constitue environ le tiers de la canne est abandonné dans le champ.
Acheminée par bennes (ou par charrette à bœufs toujours à Marie-Galante), la canne arrive à la distillerie où sans lavage ou tri, elle est hissée sur des tapis roulants vers les moulins de broyage. Arrosée avec son propre jus (ou parfois de l’eau si elle en manque), elle sera écrasée par trois fois : à la sortie on obtient d’un coté le jus de canne ou vesou, qui part vers les cuves,
et de l’autre, la bagasse, résidu fibreux qui souvent alimente les vieilles chaudières à vapeur des distilleries ou finit en engrais dans les champs.
Grâce à des levures, le jus de canne commence à fermenter en 24 à 48 heures en formant une mousse infâme et malodorante qui bave parfois le long des cuves.
Il se transforme alors en vin de canne ou grappe, il est filtré puis envoyé dans les colonnes de distillation (en cuivre autrefois mais aujourd’hui le plus souvent en inox) où il va enfin devenir rhum.
Il en sort autour de 70° avant d’être acheminé dans des cuves géantes où une grande partie sera après trois mois environ commercialisée sous forme de rhum blanc, ayant été préalablement coupé d’eau pure pour titrer de 40° à 59° selon les maisons. Il est embouteillé ou mis en cubi et rejoint les rayons des boutiques ou les bars.
Le reste rejoint des foudres de chênes où il va se colorer (rhum doré ou ambré d’1 an) ou vieillir et se parfumer plus longuement et subtilement pour donner les rhums vieux de 3, 4, 6, 9 ans ou plus… dans des tonneaux de cognac, de xérès, whisky… jalousement surveillés par les maîtres de chais.
Alors on atteint des sommets…