Le CNED*.
Tous ces couples jeunes que j’évoquais précédemment ont bien souvent des enfants, et parfois même, des familles nombreuses. Nous avons vu passer plusieurs fratries de quatre, voire cinq enfants…
Mais qu’ils soient un ou plus, ces enfants ont tous une caractéristique en commun : ils suivent leur scolarité à distance avec les cours du CNED. Certes ils ont déserté les bancs de l’école mais non point les études. Les parents ont ainsi la conscience tranquille puisqu’ils ont pris en compte cet aspect des choses : pas question pour eux de voir leurs enfants échouer par leur faute ! Mais c’est là que le bât blesse : le plus souvent ils ont très nettement sous-estimé les contraintes que ce type d’enseignement implique ! Car devoir travailler assis dans le carré ou le cockpit lorsqu’il fait beau dehors et que les parents se relaxent est en soi très frustrant. De plus si l’enfant est jeune il doit être aidé. Mais leur ado aussi a souvent besoin d’un coup de main ou pire, d’un recadrage : la console de jeux est nettement plus avenante que le cahier d’Histoire ! À l’école les maitres se chargent des cours et les parents font au mieux la surveillance des devoirs. Sur le bateau, ils sont professeurs et précepteurs tout à la fois ! Explications, récitation, vérifications…. : les parents sont sur le pont (doux euphémisme !) et cela ils ne l’ont pas totalement envisagé ! Cela demande du temps (beaucoup de temps, de l’avis des intéressés !) mais en plus il faut de la constance et beaucoup d’énergie. Les jours de grains, lorsque la mer se rebiffe, plus question pour aucun d’eux de s’abrutir sur les problèmes de maths : il faut surveiller les voiles, la brume, ou vaincre le mal de mer… Lorsque le temps est au beau fixe c’est tout aussi démotivant : le farniente est bien plus reposant que la leçon d’anglais comme chacun sait ! Et puis il y a les devoirs à rendre. Des dates-butoir sont imposées par l’organisme et il faut être au rendez-vous. Les devoirs sont envoyés par courrier postal et cela pose parfois problème à cause de délais trop longs ou de perte des documents … Les examens sont au bout de l’année, comme ailleurs. Tel enfant reviendra passer son Brevet en France accueilli par les grands-parents pendant que la famille terminera son tour des Antilles. Telle autre prépare activement le Bac… Où se poser pour travailler ? Dans le carré, on doit sans cesse déménager pour faire place aux repas et les cabines sont souvent très petites. Nous avons connu une famille, navigant à bord d’un bateau de 13m, qui avait aménagé pour chacun de ses quatre enfants un coin bureau. Le deuxième cabinet de toilette sacrifié, transformé en couchette pour le plus jeune ; une planche de bois astucieusement calée en travers du lit ou de la porte et rangée sous le matelas lorsque le travail est terminé… Beaucoup de plans ingénieux pour donner ses chances à chacun… Voilà en quelques mots les vicissitudes de l’année scolaire à bord, qu’on soit enfant ou qu’on soit parent ! Au fond, la seule chose dont on est vraiment sûr en bateau, c’est que les enfants ne trainent pas chez leurs potes et ne font pas non plus l’école buissonnière ! CNED* : Centre National d’Enseignement à Distance.