Brèves

La boulangerie.

Au tout début c’est une intense odeur de pain chaud qui m’a mise sur la piste de cet improbable atelier de fabrication une fois franchie la monumentale Bab al Mrissa, magnifique porte du XIVème siècle de la médina de Salé. Parce que nulle enseigne ne signale la « boutique » située sur une place habitée par des chats…et tout de même, quelques villageois.

Car cette boulangerie ne ressemble pas à ce qu’on connait chez nous mais plutôt à un garage. Un modeste portail en fer peint en noir en barre l’entrée et devant, des charrettes à bras, parfois une mobylette avec sur le porte-bagages un grand panier en éclisses de canne qui sert au transport des pains. Et puis des grands sacs contenant du bois récupéré chez les menuisiers, qui sert à alimenter le foyer. Rien ne se perd ici…

Entre quatre et cinq hommes, entre vingt et cinquante ans peut-être, y travaillent en continu dans des conditions d’hygiène et de confort plus que relatives ! Le sol est en béton brut, recouvert de farine ou de semoule, et de crasse aussi sans doute. Une maigre lumière tombe du plafond, des sacs de farine en toile posés au sol servent de « dessertes » pour le pain cuit ou à cuire…

Régulièrement le pétrin tombe en panne : il ressemble à un genre de bidon coupé en deux surmonté d’un mécanisme de brassage sommaire. Sur des tables à côté, une fois la pâte gonflée, les mitrons la débitent en portions à l’aide d’un outil de plâtrier. Pas de pesée : tout est fait au jugé. Ils la façonnent en boule à la main puis la roule dans de la semoule fine pour ne pas que les pâtons se collent entre eux. Puis à nouveau ils laissent lever.

Au fond du local le four à bois creusé dans le sol est toujours allumé : des centaines de pains ronds, dorés à point et percés de quelques trous, sortent de la boulangerie chaque jour.

J’ai beaucoup de respect pour ces travailleurs de l’ombre qui chaque jour avec un beau sourire me servent un pain brûlant délicieux, pour quelques dirhams à peine. J’y emmène toujours ceux du ponton qui cherchent du pain.

NB : Dans la médina de Fès nous avons vu des dizaines de fours de ce genre où les gens du quartier apportent leurs pâtisseries ou leur pâte à pain sur des plateaux rectangulaires pour les faire cuire. Ici cette pratique semble plus rare.